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3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 12:47
2195908-3061647.jpgNon seulement les problèmes de transport et les risques systémiques du com­merce international peuvent mettre en péril l’approvisionnement alimentaire mais également l’at­taque d’aliments vitaux par des virus. La grippe A(H1N1), la grippe aviaire, le SRAS et la maladie de la vache folle (ESB) sont restés dans nos mémoires. L’origine des agents pathogènes n’a toujours pas pu être élucidée. Etait-elle naturelle ou due à l’homme? Ou l’homme avait-il seulement manipulé sa propagation?
On sait maintenant qu’au­jourd’hui, on «fabrique» des virus en laboratoire. Craig Venter, de San Diego (USA) et son équipe sont fiers d’avoir fabriqué le premier gé­nome et de lui avoir intégré une bactérie qui se réplique. Nous avons tout lieu de prendre au sérieux la nou­velle selon laquelle en Afrique orientale, la racine de manioc est attaquée par un virus et de tenir compte de faits de ce genre dans nos réflexions sur la sécurité alimentaire.

Mukono, Ouganda. Lynet Nalugo a extrait de son champ un tubercule de manioc et l’a coupé en deux. Sous la peau brune, la chair blanche est attaquée, comme pourrie par endroits, de la même manière qu’un poumon atteint de tuberculose ou de cancer. «Même les cochons n’en veulent pas», dit-elle.
La plante est ce qu’elle appelle une «2961», c’est-à-dire la seule variété locale résistante au virus mosaïque qui a provoqué une importante famine en Afrique dans les années 1920.
Mais ce n’est pas le virus mosaïque qui s’attaque au manioc. Son champ a été infesté par un virus beaucoup plus dangereux appelé striure brune, d’après les marques qu’il laisse sur les tiges. Ce nouveau venu est en train de ravager les cultures de manioc dans une vaste région située autour du lac Victoria, menaçant des millions d’Africains dont le tubercule est l’aliment de base.
Bien que le virus soit apparu dans les exploitations agricoles côtières il y a 70 ans déjà, une version mutante a fait son apparition à l’intérieur de l’Afrique en 2004 et, selon Claude M. Fauquet, directeur de recherches sur le manioc au Donald Danforth Plant Center de St. Louis, «on assiste depuis lors à une propagation explosive de caractère pandémique. Elle n’a pas de précédent et les cultivateurs sont désespérés.»
Il y a deux ans, la Bill and Melinda Gates Foundation a réuni des experts du manioc et a constaté que la striure brune «inquiétait très peu de monde», déclare Lawrence Kent, un des responsables du programme agricole de la Fondation. Celle-ci a fait des dons de 27 millions de dollars afin d’aider des organismes et des spécialistes à lutter contre la maladie.
La menace pourrait prendre un caractère mondial. Après le riz et le blé, le manioc est la troisième plus importante source de calories du monde. Sous divers noms – manioc, tapioca ou yuca – il nourrit 800 millions de personnes en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie.
Le danger a été comparé à celui du mildiou (Phytophthora infestans) qui s’est attaqué aux pommes de terre dans les années 1840, provoquant une famine qui tua sans doute un million de personnes en Irlande et en a contraint encore davantage à émigrer. Cet événement a modifié l’histoire des pays anglophones.
En comparaison des ondulations ambrées des champs de blé ou de la blondeur des épis de maïs mûrs, le manioc est une plante peu glorieuse: quelques tiges grêles de couleur rouge sortant d’un amas de tubercules bruns. Il rassasie mais n’a pas de grandes qualités nutritives. Il contient même des traces de cyanure qu’il faut éliminer par pulvérisation et fermentation.
Toutefois les agriculteurs de subsis­tance en ont besoin car il «résiste très bien à la sécheresse et au manque de soins», déclare Edward Charles, chef de l’équipe de l’Initia­tive manioc des Grands Lacs, une association de 6 pays basée au Kenya et soutenue par la Fondation Gates. Ainsi, dit-il, même lorsque les paysans sont, à cause de la malaria, trop faibles pour désherber, leurs cul­tures survivent.
Les tubercules peuvent être laissés en terre jusqu’à trois ans, si bien que si la séche­resse détruit une récolte de blé ou de haricots, la famille du paysan peut échapper à la fa­mine. Mais cette plante est exposée à plus de 20 variétés d’insectes nuisibles et de maladies.
Fauquet craint que la striure brune ne traverse le bassin du Congo et n’atteigne le Nigéria, le plus grand cultivateur de manioc du monde, parce que les paysans se vendent mutuellement des boutures et que les contrôles aux frontières sont inexistants ou peuvent être évités grâce aux pots-de-vin. Il pense toutefois que le virus ne parviendra pas en Thaï­lande, au Brésil, en Indonésie ou en Chine parce qu’il n’y a pas de commerce mondial des boutures et qu’il y a peu de vols directs vers l’Asie ou l’Amérique du Sud. (On sait que les aleurodes, dont on suppose qu’ils transmettent le virus, s’embarquent clandestinement dans les avions.)
Cependant, selon Fauquet, le virus mo­saïque s’est répandu d’une manière ou d’une autre en Inde et en Afrique. Et Dai Peter, directeur de l’Initiative manioc, a constaté que la cochenille farineuse qui s’attaque au manioc brésilien a fait un grand saut par-dessus le globe pour aller infester les champs thaïlandais.
Selon Fauquet, même si la striure brune est limitée à l’Afrique, des donateurs pourraient être contraints de dépenser des milliards de dollars d’aide alimentaire afin d’empêcher les populations affamées de se déplacer, ce qui pourrait provoquer des luttes ethniques.
Jusqu’ici, les dons de la Fondation Gates, de l’United States Agency for International Development et une fondation de Monsanto, multinationale biotechnologique, se sont montés à quelque 50 millions de dollars, mais en regard de la menace, c’est «une goutte d’eau dans l’océan».
Le don le plus important de la Fondation Gates, de 22 millions, est allé à l’Initiative de Peter, supervisée par les Catholic Relief Services, institution caritative américaine. Travaillant en collaboration avec les laboratoires agricoles nationaux de 6 pays, cette Initia­tive associe la technologie informatique américaine, les programmes d’entraide du monde agricole africain et les recherches initiées il y a un siècle par les colons britanniques.
Actuellement, il n’existe pas en Afrique de variété de manioc qui soit immunisée contre la striure brune, si bien que l’Initiative est en train de gagner du temps en apprenant aux paysans à identifier les cultures malades, en leur demandant de les brûler et en leur offrant des boutures saines afin qu’ils puissent réaliser une ou deux récoltes avant que le virus ne frappe à nouveau.
Ils espèrent un coup de chance, comme le succès obtenu contre la maladie de la ba­nane (ou maladie de Panama), dont le virus at­taque également cet autre aliment de base de l’Afrique orientale. Selon Chris A. Omongo, entomologiste au National Crops Resources Research Institute de Namulonge (Ouganda), la solution était relativement simple dans ce cas. Comme ce sont les abeilles et la saleté qui propagent le virus, on a demandé aux cultivateurs de couper tous les boutons de fleurs mâles pourpres et de nettoyer leurs outils et leurs bottes avant de pénétrer dans leurs bananeraies. (Le virus a été baptisé par plaisanterie «sida de la banane» parce qu’il se propageait lui aussi le long des grandes routes et des rivières de Tanzanie. On transportait la bière de banane par bateau dans des jerrycans bouchés avec les grosses fleurs pourpres.) Selon Fauquet, certaines variétés de manioc sau­vages ou étrangères semblent résister à la striure brune, mais elles n’ont pas le goût et la consistance que les Africains apprécient. (Cer­taines variétés sont cultivées uniquement pour la farine, la colle industrielle et l’exhausteur de goût MSG.)
Le laboratoire de Fauquet tente d’introdu­ire de ces variétés dans les variétés africaines, mais il estime que le processus prendra au moins cinq ans car les nouvelles plantes produites de cette manière nécessitent de nombreux tests de sécurité.
En Ouganda, comme le gouvernement a très peu de fonctionnaires s’occupant d’agriculture, l’Initiative manioc développe son propre réseau parallèle. Ses membres ne sont pas habilités à détruire des récoltes ou à saisir des chargements de boutures malades, mais ils sont équipés de mini-ordinateurs ro­bustes munis d’un logiciel destiné à ap­prendre aux cultivateurs à identifier la maladie. Ils peuvent également localiser des champs suspects par GPS, prendre des photos et les envoyer d’un cybercafé.
Pour que les cultivateurs collaborent, l’Initiative les aide à créer des clubs d’épargne et leur donne à chacun une cassette et des conseils. Les membres y versent chaque semaine quelques dollars et offrent des crédits de 50 à 100 dollars pour des projets générant des profits comme l’achat de poules ou de moules à briques. A la fin de l’année, ils distribuent le profit qui peut être très élevé puisque le taux d’intérêt est de 120%.
Mme Nalugo tient la caisse de son club d’épargne. Elle pourrait devoir y puiser cette année. Si sa récolte de manioc n’avait pas été infestée, elle aurait vendu sa récolte 500 dollars: «La perte nous fait revenir en arrière. Nous allons devoir acheter de la nourriture.» Mme Nalugo est cependant une cultivatrice intelligente. Elle a appris d’Elijah Kajubi, le représentant local de l’Initiative, à identifier la striure brune. «Dès que mes plantes étaient à hauteur de genoux, je me suis méfiée et j’ai planté des haricots.»    •


Source: International Herald Tribune du 3/6/10
© International Herald Tribune
(Traduction Horizons et débats)

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Apporter un soin particulier aux aliments de base
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thk. Le manioc est un tubercule qui fait partie des aliments de base en Amérique latine (Brésil), en Afrique et en Asie. En 2008, on en a récolté 233 millions de tonnes dans le monde entier. En comparaison, la récolte de pommes de terre s’élevait en 2005 à 322 millions de tonnes. La culture du manioc s’est développée depuis la colonisation sur divers continents et représente un élément essentiel de l’alimentation de base de différents peuples en Afrique et en Asie.
On considère comme aliments de base les aliments qui, dans une culture donnée, constituent le principal élément de l’alimentation humaine. Ils apportent l’essentiel des glucides, des protéines et des lipides. Ce qui est déterminant pour le classement des aliments en tant qu’aliments de base, ce sont, en plus de leurs qualités nutritives, les conditions climatiques, culturelles et économiques. Le manioc est pour certains pays ce que la pomme de terre représente pour cer­taines régions d’Amérique et d’Asie. Il peut aussi être cultivé dans les pays secs car il résiste très bien à la sécheresse. Le tubercule peut être récolté à chaque saison et est donc disponible pendant toute l’année.
Quand un aliment de base est détruit par une maladie ou des phénomènes environnementaux et n’est plus à la disposition de la population, cela a des effets catastrophiques sur la situation alimentaire d’un pays et le rend dépendant de produits alimentaires livrés par d’autres pays. On peut très bien imaginer ce que cela signifie.
C’est pourquoi nous devons apporter un soin particulier aux aliments de base. Ce qui se passe en ce moment avec le manioc en Ouganda pourrait se passer dans peu de temps aussi avec d’autres aliments et en particulier avec des denrées alimentaires de base.


Mercredi 30 Juin 2010
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